Un nouveau paquet législatif pour booster la compétitivité industrielle verte européenne

Un nouveau paquet législatif pour booster la compétitivité industrielle verte européenne

La Commission européenne présente cette semaine une nouvelle série de textes législatifs pour déployer le volet industriel du Green deal et ainsi renforcer la compétitivité industrielle européenne. Pour répondre au double défi à la fois posé par l’Inflation Reduction Act adopté par les États-Unis d’une part et par la hausse des prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine d’autre part, la Commission propose un paquet industriel inédit qui doit permettre d’accélérer la décarbonation de l’économie européenne tout en renforçant notre autonomie stratégique. Décryptage.

 

Réformer le marché de l’électricité pour offrir de la prévisibilité aux acteurs 

 

La Commission a présenté une réforme du marché de l’électricité rendue nécessaire par la crise énergétique qui a révélé les limites du système actuel. L’objectif est de rendre à long-terme le prix de l’électricité moins dépendant de celui des énergies fossiles importées, notamment du gaz. Car nous sommes aujourd'hui dans une situation absurde où nous faisons dépendre le prix de vente de notre électricité zéro carbone produite en Europe, à base de renouvelables ou de nucléaire, du prix du gaz qui est à la fois fossile et importé ! C'est un non-sens sur le plan climatique et géopolitique. C'est pourquoi nous avons bataillé ferme pour avoir une réforme du marché de l’électricité et je me félicite de la proposition rendue publique aujourd'hui.

 

La Commission propose de compléter le fonctionnement de notre marché de court-terme en multipliant le recours à des contrats de long-terme comme les contrats pour la différence (CfD) ou les power purchase agreements (PPA). Ces contrats peuvent être signés entre acteurs privés (un producteur d’électricité décarbonée et un industriel par exemple) ou entre acteurs privés et pouvoirs publics (entre un producteur d’électricité décarbonée et l’État). Ils fournissent de la visibilité à la fois sur la rémunération des producteurs, ce qui permettra d’accélérer les investissements dans les capacités de production décarbonée, mais également aux consommateurs, en leur garantissant un prix stable et peu volatile sur le long-terme.

 

Soutenir financièrement les investissements dans les technologies vertes 

 

La Commission européenne a également dévoilé un nouveau cadre pour les aides d’État. L’objectif : permettre aux États membres de répondre immédiatement aux subventions accordées dans le cadre de l’IRA en soutenant financièrement les investissements dans les chaînes de valeur clés pour l’industrie verte (batteries, panneaux solaires, éoliennes, pompes à chaleur, électrolyseurs, etc.). Cette révision va également permettre aux États membres, sous certaines conditions, de rivaliser avec les subventions mises en place dans des pays tiers. C’est une véritable révolution ! Jusqu’à présent, les règles encadrant les subventions publiques avaient pour objectif de garantir une concurrence équitable au sein du marché intérieur européen.

 

Avec cette décision la Commission n’évaluera pas uniquement la concurrence au sein des frontières du marché intérieur, mais aussi vis-à-vis des pays hors Europe, ce qui est susceptible d’autoriser des soutiens publics beaucoup plus importants qu’aujourd'hui. Et, de plus, le niveau de subventions autorisé pourra égaliser une offre concurrente d'un pays tiers. Concrètement, si une entreprise reçoit une offre de subventions par les États-Unis de 100 millions, les États européens auront le droit de s'aligner avec ces 100 millions. Ces nouvelles règles sont bienvenues et nécessaires. Mais on voit bien aussi le double risque associé : une augmentation des différences entre les capacités réelles de soutien entre les États membre et une fuite en avant qui fera bénéficier aux entreprises de plus d'argent public que réellement nécessaire ! C’est pour cela que nous nous battons aussi pour avoir un instrument financier européen intégré qui permette d'agir à l'échelle européenne et non simplement à l'échelle nationale. C'est le Fonds de souveraineté, qui sera proposé par la Commission européenne à l'été.

 

Accélérer le déploiement de la production industrielle européenne des technologies vertes

 

Jusqu’à présent le Green Deal a permis de se fixer des objectifs pour stimuler la demande européenne dans les technologies vertes. Le rehaussement de notre objectif d’énergies renouvelables à horizon 2030 impliquera de déployer massivement des parcs éoliens et des panneaux photovoltaïques et l’introduction de niveaux minimums de performance énergétique pour les bâtiments va conduire à installer à grande échelle des pompes à chaleur. Le déploiement de la mobilité électrique va quant à lui mener à une augmentation considérable de notre demande en batteries.

 

Nous devons en parallèle de cette augmentation de la demande nous assurer que nous nous organisons pour produire en Europe une partie de ces technologies clés pour l’atteinte des objectifs du Green Deal et pour sécuriser l’approvisionnement des matières premières critiques qui les composent. C’est à la fois un enjeu de compétitivité industrielle verte et d’autonomie stratégique. La Commission européenne présentera jeudi deux nouveaux textes législatifs visant à déployer rapidement une série de projets industriels stratégiques en Europe : le Net Zero Industry Act et le Critical Raw Materials Act.

 

Le Net Zero Industry Act fixera un objectif de production en Europe des technologies clés : batteries, éoliennes, PV, électrolyseurs, CCUS, biométhane, pompes à chaleur, etc. Pour remplir cet objectif, une série de projets stratégiques devront être identifiés. Ils pourront ainsi bénéficier d’une procédure simplifiée et accélérée concernant l’octroi des permis.

 

Le Critical Raw Materials Act vise quant à lui à sécuriser les approvisionnements en minéraux critiques qui composent ces technologies vertes stratégiques parmi lesquels le lithium et le cobalt des batteries électriques, le silicium des panneaux solaires, les terres rares des éoliennes, etc. Aujourd’hui, l’Europe est fortement dépendante de quelques pays tiers pour son approvisionnement, notamment de la Chine qui représente par exemple plus de 80 % de la production mondiale de graphite utilisé dans les batteries.

 

Pour renforcer l’autonomie stratégique européenne, ce texte fixera des objectifs en matière de minéraux recyclés et raffinés en Europe mais également de production minière domestique. Ces deux piliers sont complémentaires à la diversification des approvisionnements auprès des pays tiers nécessaire pour répondre à la demande croissante du continent. Des projets stratégiques sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’extraction minière au recyclage et raffinage, seront identifiés et pourront bénéficier de procédures simplifiées et accélérées en matière de permis.


À travers ces réformes majeures, l’Union européenne lance la modernisation verte de son appareil productif au service de sa souveraineté industrielle mais également de nos objectifs climatiques. Ces textes traduisent un changement profond du logiciel européen. Ils organisent une nouvelle politique industrielle verte qui donne un rôle clé aux partenariats entre les industriels et les États, bien loin de la vision uniquement basée sur la concurrence qui régnait à Bruxelles ces dernières décennies. Ces réformes marquent également la volonté de l’Europe de répondre à l'IRA américain. La course pour la localisation de la production des biens industriels nécessaires à l’atteinte de nos objectifs climatiques est lancée à grande vitesse. C’est une bonne nouvelle car c'est la seule façon d'avoir une chance de gagner la bataille pour le climat.

Descours Sébastien

Fideo - Banque de la Rénovation Énergétique: stratégie, financement, structuration

1y

Allez-vous laisser faire le greenwashing en cours sur la prétendue vertitude de l’aviation lui permettant de devenir utilisatrice des fonds verts en bénéficiant de la taxonomie?

Like
Reply

De belles perspectives pour nos entreprises engagées pour la Transition Écologique !... et pour celles qui vont en profiter pour prendre (enfin) le virage... Une véritable révolution dans le logiciel de l'Union Européenne.

Like
Reply
Thierry Sessin-Caracci

PhD - Rapporteur ESMA Securitisation Task Force chez European Securities and Markets Authority (ESMA) - PhD in Finance & Macroeconomic

1y

Well done ! Thierry

Like
Reply

To view or add a comment, sign in

Explore topics